Renoncer à sa volonté propre — Manrèse, centre spirituel jésuite en Ile-de-France

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Renoncer à sa volonté propre

En ce temps-là, Jésus commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait partir pour Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des grands prêtres et des scribes, être tué, et le troisième jour ressusciter. Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches : « Dieu t’en garde, Seigneur ! cela ne t’arrivera pas. » Mais lui, se retournant, dit à Pierre : « Passe derrière moi, Satan !
Tu es pour moi une occasion de chute : tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. Alors Jésus dit à ses disciples : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la trouvera. Quel avantage, en effet, un homme aura-t-il à gagner le monde entier, si c’est au prix de sa vie ? »
(Mt 16, 21-26)

Devant une rentrée de toutes les incertitudes, voire de tous les dangers, on a vite la tentation ou le réflexe de se préoccuper de soi, de sa propre sécurité, de ses intérêts propres, de ce que l’on pense soi-même comme juste ou approprié… d’autant plus que les autorités publiques avouent volontiers que, par rapport au nouveau coronavirus, on ne sait pas encore tout, et que les directives sanitaires évoluent de jour en jour. D’autant plus que les économistes annoncent de mauvais augures quant à la reprise des activités, avec des pronostics sombre concernant le chômage et les dépôts de bilan. L’heure semble être au : « Chacun pour soi, Dieu pour tous ».

Ce dicton érige en principe de vie l’absolutisation de la volonté propre. Seul compte ce que je veux pour mon propre bien. Moi seul sait ce qui est bon pour moi. Et on n’a pas de difficulté pour trouver les bonnes raisons. Pierre a raison d’une certaine manière : Jésus fait du bien partout où il allait, pourquoi aller se fourrer dans la gueule du loup, pour se faire massacrer ? Jusqu’à maintenant, il a évité la confrontation directe, allant même jusqu'à monter à Jérusalem pour la Pâque « pas au grand jour, mais en secret » (Jn 7, 10).

Jusqu’à maintenant. Mais maintenant, « Père, l’heure est venue » (Jn 17, 1), priait Jésus au moment d’entrer dans sa Passion. Et à Gethsémani : « Abba ! tout t’est possible : éloigne de moi cette coupe ; pourtant, non ce que je veux, mais ce que tu veux ! » (Mc 14, 36). Jésus ne fait rien seul, mais tout avec le Père. Ce qu’il veut, ce n’est jamais sa volonté propre seule, mais toujours à l’écoute de ce que veut le Père. Sa vie d’homme est tout entière dans le Père, il demeure dans le Père, et reçoit de lui la vie de Fils à chaque instant. La vie de la volonté propre, pour beaucoup le Graal à notre époque, peut bien faire « gagner le monde entier », mais elle sera ultimement seule : la volonté propre ne laisse place à aucune autre volonté. Or : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul » (Gn 2, 18) … L’enfer, c’est sans les autres.

« Pour les hommes c’est impossible » (Mt 19, 26) de renoncer par soi-même à sa volonté propre. « Qui donc peut être sauvé ? » (Mt 19, 25) Le Fils nous a ouvert le chemin de vie vers le Père. Pour le suivre, il faut l’écouter. L’écouter dans les Ecritures, l’écouter dans l’enseignement de l’Eglise son Corps par la voix du successeur de Pierre, et l’écouter dans nos rencontres de tous les jours : « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent » (Gaudium et Spes 1).

Telle pourrait être notre prière en ce temps de reprise :

Seigneur, aide-nous à accueillir les hommes et les femmes qui veulent « discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait. » (Rm 12, 2) Que notre écoute soit pleine d’attention fraternelle, humble, pour entendre avec eux où souffle ton Esprit. Rends-nous libre de toute volonté d’influence, mais que nous te laissions « communiquer toi-même à l’âme qui t’est fidèle, l’enveloppant dans son amour et sa louange, et la disposant à entrer dans la voie où elle pourra mieux te servir » (Exercices spirituels 15). Amen.

 

Clément Nguyen, sj

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