Luc 7, 31-35
« Mais par tous ses enfants, la sagesse de Dieu a été reconnue juste »
Jésus voit des enfants jouer dans un village de Palestine. Cela l’inspire. « Nous avons joué de la flûte… et vous n’avez pas dansé ! » ; « Nous avons mimé le deuil… et vous n’avez pas pleuré ! » En méditant cet Evangile, il m’est apparu que le Christ nous pose une question :
« Marchons-nous à temps ou à contre temps ? »
Une question délicate car elle pose la question du discernement. Et le Seigneur la renvoie à la foule à qui il reproche ne pas parvenir à saisir les signes de Dieu. Il est déçu comme ces enfants déçus dans leurs jeux. Alors, finalement, Jean le Baptiste est-il un possédé ou un prophète ? Le fils de l’Homme, Jésus lui-même, est-il un glouton… ou le Messie de Dieu ?
Il y a là un avertissement qui vaut aussi pour nous : marchons-nous à temps ou à contre temps ? Et cette question nous est adressée dans notre manière de regarder le monde, l’Eglise et plus particulièrement lorsque nous accompagnons les personnes comme ici à Manrèse.
Le monde : en le contemplant, en le regardant, en y vivant, avec toutes ses crises et ses dynamismes, nous sommes comme ces enfants. Devons-nous danser ou pleurer ? Face aux nombreuses crises que nous connaissons : écologique, sanitaire, migratoire, économique, etc. Qu’est-ce que nous discernons du « temps de Dieu » ? D’ailleurs, n’y a-t-il que des crises ? Le dynamisme de l’Esprit-Saint n’est-il pas aussi à l’œuvre dans ce monde ? Je pense à ces personnes qui sont comme des veilleurs qui nous interrogent ou bien celles que l’on appelle « lanceurs d’alerte ». Ils peuvent beaucoup nous déranger. Mais au fond, ils sont comme ces enfants qui nous interpellent : allez-vous à temps ou à contre temps ?
L’Eglise. Pour elle, il en est de même. Face à la terrible crise des abus, nous avons de quoi pleurer. Mais nous savons aussi que certains ne veulent pas voir, sont dans le déni. Ils voudraient danser à la gloire de l’Eglise là où l’humilité devrait être de mise. Au minimum ! Mais il y a aussi cette beauté de ce qui se vit de fraternité dans l’Eglise, de renouveau, de secrète germination. Alors quel est le Temps de Dieu ?
En tout cela, nous sommes invités à discerner. C’est une attitude essentielle à laquelle nous sommes appelés. Le Pape François y revient souvent lui-aussi. Discerner quel est le Temps de Dieu dans le quotidien du monde et de l’Eglise. C’est cela l’œuvre de la Sagesse. Une Sagesse éclairée par l’Esprit-Saint.
Enfin, il y a ce que nous vivons plus particulièrement ici au Centre Manrèse dans l’accompagnement spirituel des personnes. L’expérience de l’accompagnement nous situe à ce lieu d’écoute, d’attention et de soutien de l’autre, pour ce qu’il vit, pour ce que le Seigneur lui dit. Là encore, tout l’art est de ne pas marcher à contre temps du Temps de Dieu. Tantôt, nous sommes témoins de la joie ; tantôt de la peine. Alternance des consolations et des désolations. Celui ou celle qui accompagne doit rester en éveil, en alerte pour sentir ce que le Seigneur est en train de donner de vivre au retraitant.
Parfois, en une même journée au fil des rencontres, il nous est donné de « danser » avec ceux qui sont dans la joie. Et un peu plus tard d’être témoin et présence pour un autre qui pleure ou se trouve en désolation. Comme saint Paul le disait, il nous faut « être tout à tous ! » (1 Co 9). Il nous faut nous adapter au Temps de Dieu. Battre au même tempo que Lui et non pas à contre temps. Paul dira aussi « Réjouissez-vous avec ceux qui sont dans la joie. Pleurez avec ceux qui pleurent » Rm 12, 15.
Alors soyons de ces enfants de la Sagesse qui sont rendus aptes à discerner de manière juste. Demandons la grâce de savoir discerner le Temps de Dieu et de pouvoir marcher à Son rythme.
Sylvain Cariou-Charton s.j.