Edito novembre 2023

Priez le Maître de la moisson

« La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. » (Mt 9, 37) En cette fin d’année 2023 :

Des populations souffrent des guerres, des famines, des catastrophes écologiques.
Des personnes meurent par centaines en essayant de traverser la Méditerranée.
Dans nos sociétés modernes, nous ne sommes jamais aussi connectés, et pourtant la cohésion sociale peine face à l’individualisme.

Nous pouvons nous sentir débordés par les défis qui se présentent, et se laisser gagner par le découragement.

En réponse, Jésus dit à ses disciples : « Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson. » (Mt 9, 38) Spontanément, notre réponse serait plutôt d’aller faire du recrutement, faire de la communication, faire du chiffre…

Non, d’abord « Priez ». La prière est ce qui forme l’ouvrier, à écouter la voix du Maître de la moisson, à entendre ce qu’il dit. La prière entretien, renforce son lien avec le Maître pour s’accorder à sa volonté. Lui ne voit pas une catastrophe, des récoltes perdues faute de main d’œuvre, mais il voit une moisson abondante, des appels à profusion.

Prier fait entrer dans le regard et le cœur du Maître. Un regard non pas défaitiste, ou qui juge et condamne. Mais un regard compatissant et qui espère.

« Alors Jésus appela ses douze disciples et leur donna le pouvoir d’expulser les esprits impurs et de guérir toute maladie et toute infirmité. » (Mt 10, 1)

Ce pouvoir que Jésus donne à ses disciples, ce n’est pas quelque puissance magique, qui transforme en un claquement de doigts. Ce n’est pas non plus un pouvoir de persuasion, qui veut convaincre et contraindre, qui cherche la confrontation et veut montrer sa puissance.

Le pouvoir que Jésus donne à ses disciples, aux ouvriers du royaume des Cieux, est à la fois divin et en même temps bien humain. C’est de pouvoir aimer comme lui il aime, comme il les aime, de manière « imméritée, inconditionnelle et gratuite » (AL 296). Une charité qui ne s’impose pas, mais qui va à la rencontre de ceux qui sont en attente, qui souffrent, qui se sentent « perdus ».

Une telle charité se déploie dans la créativité, l’ingéniosité, la solidarité, le partage, qui guérissent des malades, ramènent à la vie, nourrissent des foules entières, chassent les démons de la division. Si nous regardons bien, nous verrons autour de nous ces moissons du Royaume se faire discrètement, sans tapage.

C’est une charité humble, qui ne cherche pas à briller ni de reconnaissance en retour, mais qui se traduit en acte quotidien, là où on est. Et le premier lieu où s’exerce cette charité : « C’est dans la famille, ‘‘que l’on pour­rait appeler Église domestique’’ » (Amoris Laetitia 86) Eglise domestique, le Centre Manrèse l’est d’une certaine manière : hôtes, animateurs, animatrices, communauté jésuite, salariés, nous vivons pour un temps sous le même toit, partageons les repas, prions ensemble, participons aux services.

Manrèse est ainsi un lieu où peut s’expérimenter la « maison commune », expression chère au Pape François. Le parc et la forêt de Meudon s’offrent à nos sens pour contempler la bonté de Dieu dans la complexité et la beauté de la Création :

« Considérer comment Dieu travaille et œuvre pour moi dans toutes les choses créées sur la face de la terre, c'est-à-dire qu'il se comporte à la manière de quelqu'un qui travaille, par exemple, dans les cieux, les éléments, les plantes, les fruits, les troupeaux, etc., leur donnant d'être, les conservant, les dotant de la vie et de la sensation, etc. » (Exercices Spirituels 236).

Seigneur Maître de la moisson, donne-nous la grâce de t’imiter, ensemble et humblement, pas à pas.

Clément Nguyen sj