La moisson est abondante
Matthieu 9, 36 – 10,8
« La moisson est abondante. » Il faut être de la ville pour s’imaginer encore que la moisson est une succession de fêtes. Ceux qui ont la chance de pouvoir interroger des personnes âgées de la campagne ayant vécu les moissons, découvriront qu’avant de faire la fête des moissons, il faut passer par le travail impitoyable, la chaleur, la sueur et la poussière.
La moisson est abondante indique une urgence. Les blés sont mûrs. L’agriculteur sait bien qu’il ne faut pas traîner. S’il on attend trop, dans quelques jours, le grain aura pourri ou bien l’épi, éclaté, aura laissé son blé s’envoler aux quatre vents.
La moisson est abondante est un signal d’alarme. C’est l’instant d’une décision, il faut faire vite, ce n’est pas le moment de causer. On ne peut même pas envisager qu’on va étaler le travail dans le temps car tout mûrit à la fois. On ne peut même pas se dire qu’on va délocaliser car tout mûrit ici et maintenant.
Il faut tout faire d’un coup
il faut faire face dans toutes les fermes alentours
il faut se battre sur tous les fronts.
La moisson n’attend pas.
La moisson est abondante n’est pas d’abord une réjouissance. C’est un défi à relever, car si on ne fait rien tout de suite, ça va craquer et tout va être perdu.
La parole de Jésus intervient donc sur fond de crise. Il y a un lien entre : « La moisson est abondante… » « Les brebis sont sans berger… » « Les ouvriers sont peu nombreux… »
La situation n’est pas loin d’être désespérée.
La moisson sera perdue si les moissonneurs viennent à manquer.
Les brebis sont comme perdues, et avec elles leurs agneaux, sans un pâtre qui les protège et les guide.
Les ouvriers, quant à eux, ne savent où donner de la tête et les bras leur en tombent devant la tâche colossale qui se présente à eux.
La situation est donc plus que critique. Elle a quelque parenté avec la situation d’aujourd’hui dans notre vieille Europe. Beaucoup de nos contemporains semblent être submergés par le contexte actuel, sans boussole, très vulnérables face à tous les loups modernes. Dans l’Église, le nombre de prêtres ne cesse de diminuer. Les vocations se tarissent.
L’ambiance serait plutôt à l’inquiétude et à la désespérance.
Voilà la situation. Face à cette situation, que fait Jésus ? Si nous arrivons à reconnaître la manière dont il s’y est pris, cela pourra peut-être nous donner des pistes pour aujourd’hui.
D’abord, Jésus a pitié des foules.
Cela veut dire qu’il n’est pas insensible, qu’il n’est pas indifférent à ce qui se passe.
Il n’a pas un regard froid et dur avec des oeillères. Il a un regard large et il se laisse toucher.
Jésus dit ensuite : « Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour la moisson ».
Prier, c'est-à-dire consentir à demander de l’aide. Par nos propres forces nous n’y arriverons pas.
Prier, c’est-à-dire demander à Dieu son aide pour qu’il envoie de l’aide qualifiée, des ouvriers pour la moisson. Certes il y a urgence, mais il faut des gens qui sachent moissonner ou qui ont un fort potentiel pour apprendre rapidement. Cela ne sert à rien d’appeler les bras cassés. Ils risquent d’être plus gênants qu’efficaces.
Ensuite, Jésus appelle. Il appelle douze disciples. On ne connaît pas très bien les critères de recrutement. On sait que parmi les disciples, il y a beaucoup de marins, des pêcheurs. C'est-à-dire des gens qui se lèvent tôt, qui n’ont pas peur d’aller en eaux profondes, qui savent travailler en équipe. Ils sont généralement plusieurs sur une barque. Jésus les appelle donc.
Et il leur donne une feuille de route. Jésus n’appelle pas des disciples pour former un club très fermé de gens qui se réfugient derrière des murailles. Non, il les lance sur les routes. Et il leur donne des pouvoirs : expulser les mauvais esprits, guérir les maladie… Il leur donne des pouvoirs, c’est-à-dire il leur donne des responsabilités. De vraies responsabilités. Il ne leur donne pas des petits bouleaux occupationnels.
En résumé, devant ce qui semble insurmontable, deux ouvertures nous sont indiquées par Jésus : prier et appeler
Prier, pour s’en remettre à Dieu.
Appeler, pour s’en remettre à d’autres.
En un mot avoir confiance.
Amen
Manrèse samedi 9 décembre 2023